Et oui, je dis bien ETAT. Celui-ci même qui n'hésitera pas à vous mettre une pénalité de 10% si vous dépassez ne serait-ce que d'une heure la date limite de paiement de vos impôts (cachet de la poste faisant foi).
Je vais vous conter ma petite histoire :
Tout commence en 1999, major de ma promo de DEA, j'obtiens une allocation de recherche pour faire ma thèse et un poste à mi-temps comme monitrice à la Fac (un tout petit mot pour des profs qui font le même boulot qu'un enseignant-chercheur sauf qu'ils ont pas encore leur doctorat). CDD de 2 ans renouvelable 1 an. 3 ans maximum. Royal!
Je dois attendre mon salaire trois mois, qu'importe j'étais une misérable étudiante et je sais me serrer la ceinture.
Trois années passent, je décide de ne pas faire de demande de poste d'ATER (Attaché Temporaire d'Enseignement et de Recherche) pour finir ma thèse en 4ème année. ATER, c'est un statut bâtard, c'est comme les contractuels de l'enseignement agricole mais en pire : c'est un CDD d'un an renouvelable 1 an maximum. Je me réserve donc ces deux ans après le doctorat car je sais que les postes de titulaires se font rares, surtout dans ma matière.
Manque de bol, mes allocations chômage relèvent du rectorat et non des assedics et il faut savoir que pour l'ARE (Allocation de Retour à l'Emploi), c'est pareil que pour les salaires : « Veuillez attendre 3 mois avant premier paiement mademoiselle ! »
Là encore, j'avale la pilule, j'ai une thèse sur le feu ...
2004. Je soutiens ma thèse enceinte jusqu'aux yeux et obtiens un poste d'ATER dans ma ville. Nouveau contrat, nouveau trimestre de retard ... là encore je la boucle, de toute façon à qui le dire d'autre qu'à la pauvre secrétaire chargée d'enregistrer les dossiers.
Je fais mes 2 ans, je suis reçue sur la liste d'aptitude et ... ne trouve jamais de poste de maître de conférence. Ce bon vieux système de cooptation ne semble pas considérer l'intérêt de mon travail.
« Enchaînez trois ou quatre post-docs, et vous aurez un dossier digne d'un directeur de recherche, là vous trouverez certainement un poste » était le discours généralisé de mes paires titulaires.
NDLR : un post-doc c'est un CDD de recherche, de 6 à 24 mois maxi, payé entre 1100 € et 1500 € et pouvant se trouver n'importe où sur la planète.
Je décroche donc un post-doc à Paris dans un institut ultra renommé : gros points noirs 18 mois maxi et 1 500€ ......... pour une famille c'est bien trop précaire, de surcroit à Paris. Quelle idée aussi de faire des gosses à la fin de ses études, même à 30 ans !
C'en est trop, je jette l'éponge et pour « squizzer » la pénible phase des 3 mois sans ARE, je me jette dans le privé. Petit travail sympathique et intéressant, avec une paye acceptable, mais .... avec un patron tyrannique avec une nette tendance au harcèlement. En janvier 2008, je suis licenciée au bout de 20 mois pour m'être opposée aux pratiques de ce petit dictateur. Bon, rien de grave en somme, j'ai suffisamment cotisé au chômage pour que je puisse me retourner et peut-être revenir vers l'enseignement qui me manque.
Horreur ! Malheur ! Les assedics rejettent mon dossier : mes indemnisations chômages doivent être versée par le Rectorat car j'ai acquis plus de droits dans la fonction publique que dans le privé.
Et voici le déroulement de l'année 2008 :
janvier : dépôt de mon dossier aux assedic et rejet mi-février
mi-février : dépôt d'un dossier ARE au rectorat
mi-avril : premier versement de 50% des ARE dues. Nous n'avons pas payé le loyer et les factures de gaz et d'électricité durant ces trois mois, les frais de mise en demeure, les agios et les pénalités bancaires pleuvent.
Mai : nos cartes bancaires sont bloquées, nous n'arrivons pas à résorber le trou, mes allocations de retour à l'emploi arrivent sur mon compte sous forme d'avance de 85 % entre le 14 et le 26 de chaque mois, avec le complément le 29, lui aussi trois mois en décalé.
Enfin, nous réussissons à rétablir la situation en juillet grâce à l'aide de mes parents.
Août : nouveau coup de massue : le rectorat ferme, tout le monde part en vacances, alors vous comprenez bien qu'il n'y a personne pour faire les mises en paiement ! J'explose, pas de travail en perspective et le cauchemar financier qui recommence : rien de mi-juillet à fin septembre.
Septembre : enfin, une bouffée d'air : un poste d'ESC en lycée agricole, le travail rêvé pour moi ! Sauf que ... visiblement les contractuels sont aussi mal lotis qu'à l'Education Nationale.
Depuis septembre, je sombre à nouveau : toujours pas de contrat, un poste à mi-temps complété de 7 heures supplémentaires (passage à 90% refusé alors même que j'assure plus d'heures de cours qu'un titulaire à 100%).
Première avance de 1250 € le 31 octobre avec promesse que tout le complément serait versé avec mon salaire heures sup' comprises fin novembre.
26 novembre un virement intitulé « paye » de 840€ est versé. On est loin des 1755 € brut mensuel (heures sup' comprises).
Hier matin, message sur mon portable : la voix excédée de ma banquière m'annonce sur un ton humiliant que « ce n'est plus possible, cette fois je bloque vos cartes ». Demain, premier décembre, 16 jours avant l'anniversaire de mon fils et 23 jours avant Noël, nous démarrons le mois avec un débit de 1000€ sur nos comptes.
Pour l'année 2008, j'aurais totalisé 7 mois de retard de salaire ce qui représente environs 25% de revenu en moins envolés en frais d'intérêt, agios, pénalités de retard, commissions d'intervention, pénalités de rejet, frais d'huissiers et j'en passe. (exemple, mon prélèvement SFR de 34 € a été rejeté : 20 € de frais bancaires, ça fait cher l'abonnement)
Entre septembre 1999 et décembre 2008, j'aurais accumulé 20 mois de retard de salaires, non, vous ne rêvez pas, vous êtes en France au XXIème siècle.
Et si je faisais une grève de la faim ? À défaut d'être entendue j'économiserais les frais de nourriture !